"Yunjae" ou la question existentielle !


Combien de fois m’a-t-on posé cette question : « Pensez-vous que le groupe TVXQ! se reformera un jour ? »

J’avais pour habitude d’y répondre sans détour : Non...

Mais personne n’avait encore osé celle-ci : «Y avait-il une relation entre Jaejoong et Yunho ? »


« Yunjae », l’hypothétique relation homosexuelle fantasmée, présumée secrète, entre Yunho et Jaejoong, dans le style « théorie du complot »… Il faut dire que leur interaction à l’époque brouillait les pistes…

J’avais pourtant de longue date anticipé la question, armée jusqu’aux dents d’une argumentation à étages multiples avec circonvolutions et subtilités, destinée à ramener en douceur sur la terre ferme les imaginations égarées...

Mais, en fait, personne ne me l’avait jamais posée avant aujourd’hui ! Ma réponse à la première question – parue dans un magazine – avait peut-être refroidi les esprits ?

Premier constat : un rapide coup d’œil sur internet me permet de vérifier que – tenez-vous bien – treize ans après la séparation (professionnelle) des deux protagonistes et amis, les « complotistes » continuent de s’en donner à cœur joie et restent persuadés de la survivance d’une relation secrète qui n’aurait jamais été brisée. Oui, en 2022, allez voir sur Youtube.

Deuxième constat encore plus surprenant : la personne qui m’a envoyé en guise de clin d’œil un lien vers une vidéo-montage sur le sujet est tout ce qu’il y a de plus sérieuse…

Je suis perplexe et le sujet me trotte dans la tête une dizaine de jours... J’avoue que j’ai longtemps repoussé ce thème bien loin de ma réflexion.

Et puis tout d’un coup j’ai compris : le groupe dans son entier se réunira-t-il un jour ? Non ? Bon, alors soyons moins ambitieux : Yunho et Jaejoong se réuniront-ils un jour ?

Pendant longtemps, je n’avais pas réalisé qu’il s’agissait de la même question.

En fait, soyons honnêtes : je n’avais même pas compris la question. Mea culpa.

On ne devrait jamais sous-estimer un objet de fascination.

Explications

Je ne voudrais pas minimiser l’importance des trois autres membres du groupe, mais ce duo-là, ce peloton de tête des débuts, c’était d’abord une réunion des contraires comme on en voit peu :

Yunho : le danseur. Chanteur plutôt hésitant à ses débuts.

Jaejoong : le chanteur. Danseur médiocre (peu motivé).

Yunho : a fait face à l’opposition féroce de sa famille, mais celle-ci adhère finalement à ses projets.

Jaejoong : ses parents ne le retiennent pas, mais ne l’aident pas vraiment non plus.

Un point commun : ni l’un ni l’autre n’habitent Séoul. Ils survivront l’un comme l’autre à leurs années d’entraînement dans la plus grande précarité.

Yunho a une sœur.

Jaejoong a huit sœurs.

Yunho, infatigable, veut faire les choses bien. Au début de sa formation, son père le véhicule du lycée à la salle d’entraînement tout au long de la semaine.

Jaejoong n’en fait qu’à sa tête. Il s’est déjà sauvé de la maison, de l’école aussi. Rien ne l’intéresse. Sauf chanter.

A dix-sept ans, les deux ont des rêves plein la tête, mais, pour ce nouveau groupe, ils commencent d’abord par faire ce qu’on leur demande :

Au chanteur au joli visage, on confie la voix principale, bien en vue, au milieu. Il faut bien se rendre à l’évidence : c’est entre autres pour son physique qu’il a été retenu.

Au danseur charismatique qui semble si solide, on demande à l’inverse un peu de chirurgie plastique, sans vouloir le vexer… (Avez-vous remarqué que Yunho ne sourie jamais sur les premières photos du groupe ? C’était avant la pose de facettes sur ses dents.)

Et on lui confie la responsabilité d'un groupe de cinq garçons, plus jeunes que lui.

Tous, sauf Jaejoong le chanteur, né quelques jours avant lui.

Ses proches disent de Yunho que c’est un leader né, autoritaire, mais profondément altruiste. On dit de Jaejoong à cette époque qu’ « il a ses têtes », qu’il est rarement impartial, et peut faire preuve d’un nombrilisme aigu.

A Yunho on demande de prendre la parole et de les présenter. A Jaejoong on demande surtout qu’il se taise !

Même si tous deux sont adorés du public.

Yunho fait preuve à ses débuts d’un humour naturel pétillant, qui respire la joie de vivre et la bonne humeur. Jaejoong n’est pas drôle du tout, sauf quand il commence à sentir qu’il peut semer la pagaille quelque part, auquel cas il se révèle d’une fantaisie hilarante totalement hors du commun.

On sait qu’ils se disputent beaucoup.

On sait que Jaejoong met en avant son personnage de séducteur irrésistible, amenant Yunho sur un terrain où il ne peut être que mal à l’aise, pour pouvoir mieux se soustraire à son autorité.

Mais à une époque bénie – ou détestée ? – chacun à leur façon, ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes, ont mis en commun tous leurs talents et leur énergie pour mériter leur succès. Car s’il y a bien un point sur lequel ils se retrouvent, c’est leur détermination à réussir, leur professionnalisme, dans une coordination sans faille, peut-être faite de compétition, mais surtout de complémentarité, pour ce passage en météore de cinq courtes années.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, je ne milite pas pour faire de TVXQ! le plus grand groupe de l’histoire de la K-Pop, ce qui s’avérerait probablement faux, si encore il était possible de le mesurer.

Ce qui me surprend le plus aujourd’hui, c’est qu’un groupe à la durée de vie de cinq ans, disparu il y a plus de douze ans, continue encore à faire parler de lui après que les médias coréens aient tout fait pour l’effacer du paysage. Quel que soit leur succès passé, ne devraient-ils pas avoir disparu depuis longtemps ? Ses membres restant continuent pourtant à atteindre le sommet des charts coréens, en toute occasion, jusqu’en 2022.


C’est là que le mythe de leur histoire entre en jeu.

Sans vouloir éclipser le rôle crucial des trois autres membres du groupe, et de nombreux autres points qui ont fait de ce groupe un repère incontournable.


L’impossible couple mythique « Yunjae », c’est avant tout ce bref instant de grâce où ont pu se conjuguer deux personnalités radicalement différentes, avant de prendre des directions opposées.

L’un a quitté le groupe, l’autre est resté. L’équilibre était fragile. Ne pouvait-on pas s’en douter dès le début ?

A ceux qui n’ont pas lu le livre, je vous laisse lire leur histoire et je vous laisse juger…

Yunho ne composera jamais vraiment, mais dans les premières années, il tente d’apprendre la musique. Il travaille en solitaire, avec humilité.

Jaejoong apprend la musique avec Yoochun, échange avec ses amis sur ses compositions. Tout l’inspire.

Après la séparation du groupe, Jaejoong se met à écrire à peu près toutes les paroles de ses chansons. Il figure aujourd’hui parmi les artistes de la Hallyu ayant le plus composé.

Yunho ne se lancera jamais vraiment dans l’écriture, ni la composition. Pourtant, ne pas être l’auteur de ce qu’il interprète ne l’empêchera pas de devenir l’une des « bêtes de scène » de la deuxième génération, encore aujourd’hui difficile à détrôner.

Au-delà du fantasme, on retrouve deux visions du métier d'artiste de scène, qui semblent a priori impossibles à réconcilier.


Une des premières chansons écrites par Kim JaeJoong à son départ de la SM est "I am not a Pierrot" : "Je ne suis pas une marionnette". Il y a là tout l'ego de l'artiste rejetant l'excès de pression commerciale qui l'a empêché trop longtemps de s'exprimer de sa propre voix.

Qu'est-ce qui fait donc, dans notre petit monde de la Kpop, que certains soient prêts aux pires des sacrifices - jusqu'à changer à la demande leur propre apparence, s'essayer à des styles qui ne leur correspondent pas, s'épuiser à la tâche jusqu'à s'esquinter réellement la santé... pour gagner leur vie ? Et d'autres non.

Yunho incarne le travail et la persévérance, dans le respect de l’ordre établi. Jaejoong la liberté d’action, de pensée, la créativité – mais il vivra les dures réalités d’un marché de la musique qui ne fonctionne pas vraiment comme il le souhaiterait... Il en ressort tout autant épuisé.

Aujourd’hui, l’un de ces deux points de vue aurait-il supplanté l’autre ? Loin s’en faut. Voila ce sur quoi on continue à s’étriper sur internet ! Personne ne sera jamais parvenu à démontrer quoi que ce soit..

Lorsque j’ai écrit dans mon livre que les fans avaient écrit des kilomètres de littérature sur la séparation du groupe sur les réseaux sociaux, c’était un euphémisme. Des éditorialistes de tous âges s’y sont battus à coup de démonstrations à rallonge, allez donc voir – n’importe quel forum fera l’affaire - je vous assure, c’est impressionnant.

Entre ceux qui pensent que Jaejoong, et les trois de JYJ, n’auraient jamais dû partir. Ceux qui pensent que Changmin et Yunho n’auraient jamais dû rester. Ceux qui pensent que Jaejoong s’est trompé. Ceux qui pensent que Yunho les a trahis. Bref, ceux qui soutiennent le dirigisme absolu des grandes maisons de production coréennes, garantes de qualité, vivier des meilleurs talents, et ferment les yeux sur leurs excès. Face à ceux qui ne jurent que par la liberté de l’artiste à disposer de lui-même, quitte à dormir sous les ponts. (Eux-mêmes sont aussi artistes, le plus souvent…)

Sauf que… on peut être super star de la SM et avoir dormi sous les ponts, être banni des médias et amasser de véritables fortunes, être libre de ses mouvements et ne savoir quoi en faire... Toute cette histoire est pétrie de contradictions.

Depuis leur séparation, au fil des années, Yunho n’a (presque) jamais fait de vagues, Jaejoong n’a fait que cela. L’un mène une carrière ascendante et rectiligne, l’autre une carrière en dents de scie.

Les deux sont brillants, chacun à leur façon, et leur public continue de les adorer.

Là où Yunho reste une figure constante et incontournable, Jaejoong s’amuse de penser qu’il continue à ne jamais être là où on l’attend. Et c’est sans doute Yunho qui l’emporte aujourd’hui dans le cœur des Coréens. Mais pas des Japonais, où Jaejoong le devance assez largement.

L’un et l’autre font preuve d’une longévité hors du commun parmi les stars coréennes – à l’âge canonique de trente-six ans (dans l’univers K-pop, c’est très très très vieux).

Et rêver d’une réconciliation, c’est rêver que ces deux visions extrêmes se rejoignent. C’est là qu’est l’enjeu.

Allez, soit dit entre nous, il est à peu près certain que le « couple mythique » s’est revu aujourd’hui, non ?

Alors, sans sombrer dans l’excès d’une relation cent fois démentie, il faut reconnaître qu’il y a de quoi s’interroger : que peuvent-ils bien se dire aujourd’hui ? Au-delà des regrets, de la rancune oubliée maintenant, alors que chacun a désormais gravi tous les échelons qu’il lui était possible de gravir, comparent-ils en riant leurs échecs et leurs succès ? Ont-ils encore quelque chose à échanger ?

Je n’ai pas la réponse. D’ailleurs, moi qui dans mon livre ai défendu le point de vue de la liberté, mais reste fan de l’un des genres musicaux considérés comme le plus « commercial » au monde… ai-je vraiment pris parti ?

Faute de mieux, et faute de solution à cette équation inusable – le statut des artistes face aux contingences de leur marché – qui fait couler de l’encre depuis la nuit des temps, j’espère avoir au moins répondu à une autre question : voilà pourquoi c’est cette histoire – et pas celle d’un autre groupe - que j’ai choisi de raconter !!

Merci à Christine - qui se reconnaitra - pour m’avoir inspiré cet article. Faute d’avoir la réponse, aujourd’hui je comprends mieux la question !!😘



Crédit images

Header : TVXQ / DBSK - 2004 - SMEntertainment

Footer : Collections du Musée du Quai Branly, Paris - Photographie : Marianne Weller