Gox

ou ma vision du rôle symbolique de l'idole de K-Pop





Temps de lecture :

8 mn

Decembre 2021


« Gox » est le nom provisoire que j’avais assigné à cet article en préparation, faute de mieux. Finalement, il me plaît bien, je le garde !

C’est la contraction de « God » et… je vous laisse deviner.


Novembre 2019. Ma star préférée est filmée au salon d'un restaurant, à l'aéroport d'Incheon. (Vous voyez qui ?)

A la table voisine, une jeune femme l'aborde, le plus naturellement du monde : "Vous êtes le plus bel homme que j'aie jamais vu !". Il rit : "Mais non ! Arrêtez !", propose de prendre une photo.

Puis il reprend sa séquence filmée.

Une journée ordinaire dans la vie de Kim Jaejoong...

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Ce jour-là, il est en grande forme !

Il a accordé à ses fans une séance de questions/réponses sur un forum en ligne.

Il faut juste répondre du tac au tac, et tenir bon aussi longtemps qu’il est matériellement – et nerveusement – possible, car les questions fusent de partout.

Fan : « Jaejoong !! Sors avec moi !

Il répond :

JJ : Il faut faire la queue pour sortir avec moi. Faites la queue comme tout le monde ! »

En procession ?

Forcément, la conversation s’arrête là, tandis que d’autres fans saluent le retour de cet humour souvent borderline, qui a fait couler beaucoup d’encre à ses débuts - et s’est parfois retourné contre lui - et tend malheureusement à disparaître.

Il a maintenant trente-six ans. Ses fans ont décidé de lui vouer une fidélité éternelle, au-delà de toute notion d’âge et de contraintes personnelles.

Ils ont vingt, trente-cinq, quarante ans, parfois même beaucoup plus. Une écrasante majorité sont des femmes, bien sûr.

Kim Jaejoong est un cas particulier d'idole réellement célibataire, vivant réellement pour ses fans, au point qu'il n'est pas rare que les plus âgés d’entre eux lui rappellent, non sans une certaine hypocrisie, qu'il serait bon qu'il vive sa propre vie et cesse de se tourmenter à chercher constamment ce qui pourrait leur faire plaisir.

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En aparté : lorsque j'ai commencé à écrire son histoire, ma première lectrice - écrivain - m'a fait une réflexion qui allait se retrouver au cœur de mon récit :

"- Ce garçon, dis-moi... Ce qu'il veut, c'est que tout le monde l'aime, n'est-ce pas ?"

Le personnage de Jaejoong ne remplissait alors que quelques pages de mon premier brouillon. J'ai compris que je devais en faire le personnage principal de mon livre.

(Je précise que le reste de ma prose avait laissé ma lectrice totalement indifférente. C’était le seul "détail" qui avait trouvé grâce à ses yeux.)

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Alors, oui, il vit pour cela. Comme beaucoup de stars accros de la scène, il faut bien le dire.

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Et pour les artistes coréens, quand se conjuguent la dévotion de l'artiste à son public, et la dévotion du public à l'artiste, on obtient parfois la formule magique de ce qui peut s'appeler... une religion.

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Pour lui, ce n’est pas totalement nouveau. Lorsqu’il était plus jeune, ses détracteurs l’avaient déjà surnommé : « Jaejoong-Dieu », faisant la pluie et le beau temps dans les médias.

(Membre d’un groupe de « dieux », Dong Bang Shin Ki – les Dieux de l’Est ?)

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En 2013, il compose la chanson « I’ll Protect you », qu’il chante pour la bande originale d’un drama.

Année après année, cette chanson mélancolique devient la signature de ses concerts, un hymne, une prière, un passage incontournable.

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C’est d’abord lui qui leur avait demandé de l’apprendre, sans se douter de l’engouement qu’il allait déclencher.

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Il affirme qu’il lui serait impossible, aujourd’hui, de refuser de la chanter. Elle clôture donc chaque concert.

Conscient de la démesure de la situation, il remarque que les paroles elles-mêmes ne peuvent avoir de sens : « Comment pourrais-je les protéger ? On sait tous que c’est impossible ».

Et se dit soulagé que la chanson ne soit pas mauvaise, après tout, sans quoi il aurait eu vite fait de s’en lasser.

« I’ll Protect you » : « Protégez-nous du mal » ? Les fans la connaissent par cœur, mais, pour leur faire plaisir, il l’a aussi traduite en japonais, puis en chinois. Jugez plutôt :

Attention, ses gestes du bras, ce n’est pas pour les encourager, c’est pour marquer le rythme. Et s’ils se trompent de tonalité, il n’hésitera pas à le leur faire remarquer. Un vrai chef de chœur !



C’est une messe et une communion.

(J'ai fait démarrer la vidéo à la fin des 7 minutes, mais ça peut durer jusqu'à 20 minutes pour cette chanson...)De retour en Corée en 2020, après deux ans au Japon, il sort un nouvel album en coréen et redoute l’accueil de la presse, qui ne lui a jamais fait de cadeaux, comme on sait (si on a lu mon livre 😁.)

Jusque dans le métro de Seoul, on peut voir ces photos :

Photos album Kim Jaejoong - Aeyo

Oui, le voilà réellement collé au mur, et dans les pages intérieures de l’album Aeyo, la croix est noire et bel et bien verticale et non oblique : crucifié !

Je ne reproduis pas cette dernière photo ici car il n’est pas évident qu’elle fasse partie des photos promotionnelles de l’album. (C’eut été un peu trop, sans doute.)

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L’ange blond crucifié porte donc les cheveux longs, et l’on voit aussi sur internet la photo suivante :

Photo Kim Jaejoong - album : Aeyo

Mais non, il n’a pas les poignets liés, qu’est-ce qui vous fait dire ça ?

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Ou comment se livrer d’office à ses détracteurs, version Jésus-Christ, en désamorçant toute envie de le martyriser davantage… Pour l’album en question, une couverture tissée sans aucune photo – juste, en relief, quelques caractères coréens verticaux, un vrai livre de prière… Il fallait l’oser.

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Parlerons-nous de son passé triste comme un chemin de croix, et de son histoire, transcrite par ses fans, et rapportée comme les Evangiles ?

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Il n’est pas le seul, bien sûr. Les fans adorent prêter à leurs idoles un sombre passé semé d’embûches, forçant leur admiration. Il n’est pas le seul que l’on ait appelé « Dieu ».


Et pour y mettre plus d'emphase, les fans accusent bien sûr l'ensemble des nombreuses maisons de production de maltraiter leurs artistes, victimisés et infantilisés, ce qui ne les rend que plus attachants.

(Il faut être réaliste : si certaines accusations sont bien fondées, d’autres le sont beaucoup moins.)

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Petit retour en arrière :

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Jaejoong, c’est aussi celui dont les propos dans la presse coréenne furent systématiquement déformés pendant des années pour tenter de le faire passer pour une jolie tête vide, ou encore pour un dépravé.

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(Sur ce dernier point, il faut être honnête, il y a aussi sur internet une version de fin de soirée de I’ll Protect You, chantée avec des amis entre deux verres de soju…je ne commenterai pas !)


Pendant de nombreuses années après son départ de TVXQ!, il a continué à être victime des fameuses « sasaeng » - fans délirantes, ne reculant devant rien pour l’approcher.

Certaines anecdotes sont encore aujourd’hui en haut du palmarès de ce qu’ont pu subir des stars coréennes. Entre autres : se réveiller un matin avec à ses côtés une jeune inconnue s’étant introduit dans son appartement pendant la nuit.. Sans doute la plus spectaculaire, mais peut-être pas la pire de ses aventures, à l’en croire, mais le reste dépasse les limites de la décence, dit-il, et il n’en parlera pas.

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Même si, désormais, un bruit devant l’entrée de son appartement suffit à le tenir éveillé toute la nuit, comme il l’a sous-entendu récemment…

La mésaventure s’est produite à deux reprises.

Parfois, il redoute que « ça recommence », comme à la grande époque où il lui fallait déménager régulièrement, dès que son adresse devenait connue.

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Il est plus serein aujourd’hui.

En concert, il demande souvent à ses fans : « Vous savez qu’un jour je serai vieux ? Et chauve ? Et je vais sûrement prendre du poids ? ». Comme s’il leur demandait : « Savez-vous que je ne suis pas Dieu ? »

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Alors ils crient : « Noonn !! » Et lui envoient davantage encore de cœurs, de cris. Mais le premier accro à cette situation, c’est lui-même.

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De nombreuses idoles soutiennent, consolent, encouragent. Combien de jeunes fans affirment que leurs paroles les ont aidés à traverser des moments difficiles ? Malgré l’excès de dévotion dont il est bien conscient, comme beaucoup, il tente de son mieux de ne pas les décevoir.

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Alors, entre dieu et sex symbol harcelé, vous auriez choisi quoi ? 🤔


Sans transition : je ne peux pas ne pas citer ici un autre cas d'idoles de K-Pop transformées en dieux. Je vous laisse juste regarder cette vidéo, que j'ai volontairement fait démarrer sur l'intervention finale de RM.

Pouvait-il se douter qu'il se retrouverait un jour à adopter ce ton de pasteur, pour dispenser ces bonnes paroles sur fond de crise mondiale ?

Au delà de leur talent, le poids des responsabilités des membres de ce groupe aujourd'hui me semble écrasant... Si les Army me prêtent vie, je leur consacrerais un autre chapitre.

Et si d'autres exemples vous viennent à l'esprit, n'hésitez pas à m'en faire part !


Crédit images

Header : Collections du Musée Guimet, Paris - Photographie : Marianne Weller

Photographies: Kim Jaeoong Mini Album Vol. 2 - Aeyo - C-JeS Entertainment - Kakao M - January 2020

Footer : Collections du Musée du Quai Branly, Paris - Photographie : Marianne Weller