J’ai gardé pour la fin mon sujet de prédilection. Je ne suis pas ARMY (ma fille non plus), mais il faut reconnaître que j’aime l’équation qui nous est présentée : être ARMY = être citoyen mondial.
Bien sûr, ce multi-culturalisme des fans est ce qui m’enthousiasme le plus, par, pour, au travers de, et grâce à la K-pop. Il en est partie intégrante. Je ne dis pas que je m’intéresserais à la K-Pop si la qualité musicale et artistique n’était pas au rendez-vous, mais je ne suis pas sûre qu’elle me passionnerait autant si elle conservait une dimension purement locale.
J'ajouterai juste une nuance : les Army, fans des BTS, ne constituent certainement pas l'unique, et encore moins la première communauté internationale de fans faisant preuve d'activisme. Pour ne citer qu'un point représentatif, et sans vouloir vexer personne, les Cassiopée, fans de TVXQ!, avaient déjà eux aussi donné leurs consignes de vote à une élection présidentielle coréenne. C'était en 2008.
Mais les Army, fans des BTS, sont bien évidemment l'exemple le plus frappant de communauté multi-culturelle, de par son envergure - on ne sait même pas exactement de combien de dizaines de millions de fans !! Et c'est donc la première qui ait vraiment retenu l'attention du grand public.
Je ne parlerai pas ici des prouesses de leurs actions coordonnées, évidemment très visibles de par la puissance du nombre. Avant tout autre chose, ce qui est vraiment impressionnant à mes yeux est que cette fandom soit totalement autonome et autogérée.
A mon avis, l'énergie et la dynamique inépuisables de cette communauté résident dans l'intérêt que chacun de ses membres peut y trouver, car elle leur donne effectivement accès à une communication avec le reste du monde. Cela s'applique en réalité à toutes les fandoms de K-Pop, à la différence près que, pour les Army, l'expérience est démultipliée. L'accès à la connaissance est indéniable.
Les points suivants n'étaient pas développés par la Professeure Hong, mais je vous donne mon propre point de vue :
Bien sûr, il subsiste un risque énorme de déformation de l’information sur les réseaux fréquentés par les fans de K-pop. Qui n’est pas déjà devenu vert de rage à la lecture de propos insensés, à deux doigts de cliquer sur le bouton pour intervenir, pour se rendre compte ensuite que d’autres l’avaient déjà fait, parfois avec beaucoup de diplomatie, pour rectifier le tir et rétablir la vérité. En réalité, si on lit beaucoup d’inepties sur les réseaux, je ne pense pas y avoir jamais constaté que ces mêmes inepties aient rencontré beaucoup d’adeptes, et la tendance générale est plutôt à la rectification des erreurs, à plus ou moins long terme, qu’à leur colportage sans frontières.
Est-ce à dire que les réseaux K-Pop ne sont pas fréquentés que par des jeunes de quatorze ans ? Sans doute. Mais je crois plus volontiers que ce qui fait la richesse de ces échanges est le partage d’expériences directes, retransmises par ceux qui les vivent « réellement », de part et d’autre du globe, bien placés pour intervenir, chacun sur le sujet qu’il maitrise.
Je sais qu’il s’agit là d’une vision idyllique des réseaux sociaux, ou plus exactement de ce qu'ils pourraient être. Je n'ignore rien des abus - scandales et faux scandales, idoles jetées aux orties sans motif justifié suite à des mouvements de masse honteux et irréparables, suicides et carrières brisées. Mais il n’en reste pas moins qu’avec un peu de recul, on trouve à peu près tout sur les réseaux, y compris la vérité, sur beaucoup de sujets. Et une source de réflexion extrêmement percutante, particulièrement lorsque ces mêmes adeptes de réseaux sociaux, youtubers, instragrameurs, sont eux-mêmes en passe de devenir aussi pointus en communication que les professionnels eux-mêmes.
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.Si vous vous demandez pourquoi les Youtubeurs, de même que les stars de K-Pop, sont parfois sollicités par des instances gouvernementales pour faire passer leurs messages, vous avez là la réponse. Et il reste assez peu probable que l’on puisse acheter leurs opinions, ce qui reste la garantie de leur crédibilité, pour un public extrêmement volatile qui n’hésiterait pas à les abandonner sans regrets à la moindre tentative de manipulation.
Bien sûr, il vaut mieux être peu influençable, mais après tout, on n’a pas attendu les réseaux sociaux pour inventer le débat d’idées.
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Mon constat personnel est que l'actualité, en matière de K-Pop, n’est souvent que prétexte à la confrontation. Exactement comme ces articles du magazine en ligne allkpop, unanimement reconnu pour la pauvreté de ses sources et son manque d’exactitude, mais toujours premier à mettre le doigt sur ce qui va ouvrir le débat. Et l’on y revient toujours, bien sûr, en râlant contre la désinformation, mais ravi de se sentir prêt à exprimer son point de vue dans les commentaires.
(Quelques très rares fois, j’ai pu y lire des articles stupéfiants de précision, particulièrement les critiques musicales à la sortie de nouveaux albums. Que l’on ne s’y trompe pas, les journalistes d’allkpop, même s’ils ne se démasquent pas souvent, sont probablement très compétents. Ils appliquent simplement cette compétence à faire sortir de leurs gonds le plus de lecteurs possible. Et ça marche ! Tout ce que veulent les fans, c’est discuter !)
Ainsi s’érigent les règles de comportement – même virtuelles – d’une immense communauté sans frontières, où les conflits se règlent sur twitter ou reddit à bâtons rompus, jusque dans les pires des excès. Je parlais plus haut de combat fusionnel permanent : combat de société, politique, idéologique parfois, sous ses dehors gentillets. Ce qui ravit les uns choque les autres : la perception instinctive de ce qu’on entend et de ce que l’on voit ne manque jamais de refléter les identités culturelles multiples. Et les débats sont parfois fascinants.
Enfin, à l’issue des différents, il n’est pas rare que se dessine des positions communes, des « règles de vie », et bien souvent un mode de communication particulier, où l’on n’hésite pas à inventer de nouveaux mots, ou expressions, propres à décrire ces nouvelles attitudes. Aujourd’hui, c’est un train à prendre en marche, déjà lancé à pleine vitesse, vers une nouvelle forme de culture.
Je ne suis ni pour ni contre les réseaux sociaux. Je pense simplement que cette question elle-même est d’un autre âge.
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Revenons aux BTS : de source probablement dûment vérifiée, la Professeure Hong nous rappelle que seuls 10% des revenus des BTS proviennent du marché coréen. Lequel marché, d’ailleurs, tarde encore à comprendre ce que les BTS ont pu démontrer de si particulier pour avoir remporté tant de succès… Mais la K-Pop échappant aux coréens est encore une autre histoire, et je crois que je vais m’arrêter là.
Retenons surtout que c’est au travers de Youtube, Naver, twitter, Instagram, et autres… que ces 90% de fans se sont réunis.
Je vous retranscris en conclusion les petites phrases que j’ai aimées, dont celle qui nous apporte la clé de l’énigme.